
Les nouveaux risques juridiques liés à la digitalisation du transport
Avec l’essor du numérique, le secteur du transport routier se transforme rapidement. Mais cette digitalisation, censée simplifier la gestion et optimiser les opérations, entraîne également son lot de risques juridiques, souvent sous-estimés. Nous faisons ici le point sur les principaux dangers et les obligations légales qu’un transporteur doit impérativement connaître et maîtriser en 2025.
Protection des données : un enjeu majeur pour les transporteurs
Depuis l’entrée en vigueur du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) (règlement (UE) 2016/679), toutes les entreprises collectant, traitant et stockant des données personnelles doivent respecter des règles strictes. Dans le transport routier, cela concerne notamment :
- Les informations des chauffeurs (cartes de conducteur, coordonnées personnelles, historiques de conduite)
- Les données clients et donneurs d’ordre
- Les données issues des outils embarqués (géolocalisation, télématique)
Tout manquement peut entraîner des sanctions lourdes : jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires mondial annuel (article 83 RGPD). Les transporteurs doivent donc impérativement veiller à la conformité de leurs outils numériques et sécuriser leurs bases de données.
Responsabilité en cas de cyberattaque et obligation de signalement
Avec l’augmentation des systèmes connectés (TMS, outils de tracking, signature électronique), les transporteurs deviennent des cibles potentielles pour les cybercriminels. En cas de violation de données, l’entreprise est tenue de notifier la CNIL sous 72 heures (article 33 RGPD). À défaut, elle s’expose à des sanctions administratives et pénales.
Il est donc essentiel de mettre en place un plan de cybersécurité, incluant audits réguliers, protocoles de sauvegarde et procédures de gestion de crise. Les assureurs exigent d’ailleurs de plus en plus ces dispositifs pour couvrir les risques cyber.
Facturation électronique obligatoire : attention aux sanctions
Depuis le 1er juillet 2024, la facturation électronique devient progressivement obligatoire pour les entreprises françaises assujetties à la TVA (article 289 du Code général des impôts). D’ici 2026, toutes les entreprises, y compris les transporteurs routiers, devront émettre et recevoir des factures dématérialisées via des plateformes agréées.
Ne pas respecter cette obligation expose à une amende de 15 € par facture non conforme, plafonnée à 15 000 € par année civile (article 1737 CGI). Les transporteurs doivent donc adapter leurs systèmes de gestion commerciale et comptable sans délai.

Traçabilité numérique et présomption de faute
Avec l’usage de la télématique et des solutions de traçabilité en temps réel, le transporteur se voit attribuer une responsabilité renforcée. En cas de litige sur un retard de livraison ou une avarie, les données issues des outils connectés peuvent être utilisées en justice comme éléments de preuve.
Le Code des transports (article L.133-1 et suivants) précise que le transporteur est présumé responsable des dommages ou pertes survenus pendant l’acheminement. La digitalisation facilite l’établissement de cette preuve, renforçant de fait la charge juridique qui pèse sur le professionnel.
Gestion des documents dématérialisés et validité juridique
Les documents de transport (lettres de voiture électroniques, contrats dématérialisés) doivent respecter des conditions précises pour être reconnus juridiquement. Le Code civil (articles 1366 à 1367) impose que tout document électronique ait une valeur probante équivalente à celle du papier s’il est conservé dans des conditions garantissant son intégrité et sa traçabilité.
En cas de non-conformité, un transporteur peut voir sa responsabilité engagée et se retrouver sans preuve opposable en cas de litige.
Obligations sociales et contrôle numérique
Les services d’inspection (DREAL, inspection du travail) disposent désormais d’outils de contrôle digitalisés pour vérifier à distance les temps de conduite, les repos, les feuilles de route et les données sociales. Le Code du travail (article R.3312-2) et le Règlement (CE) 561/2006 exigent que ces informations soient conservées et présentées en cas de contrôle.
Tout manquement peut entraîner des amendes allant de 750 € à 30 000 € et des peines complémentaires (suspension d’activité, confiscation de véhicules).
Conclusion : digitalisation et responsabilité renforcée
La digitalisation du transport routier ouvre de nombreuses opportunités, mais elle impose également de nouvelles obligations juridiques précises. Les transporteurs doivent impérativement sécuriser leurs systèmes, maîtriser la gestion des données et veiller à la conformité des documents dématérialisés. Les contrôles s’intensifient et les sanctions, qu’elles soient fiscales, sociales ou pénales, se renforcent.
Anticiper, se former et s’entourer de spécialistes juridiques devient une nécessité pour toute entreprise de transport souhaitant poursuivre son activité en toute légalité et limiter les risques en 2025.